LES IMMEUBLES A COURSIVES D’ALOYS-FAUQUEX (par Bernard Zurbuchen)

Dans le dernier numéro nous vous parlions des maisons familiales de Bellevaux, une des premières opérations pour le logement ouvrier à Lausanne. On peut dire aujourd’hui avec certitude que la construction de logements pour la classe défavorisée est une constante à Bellevaux, et ceci tout au long du XXe siècle.

Pour preuve, les cinq immeubles de la route Aloys Fauquez ont été construits dès 1933 par l’architecte René Bonnard pour le compte de la société coopérative La Maison Ouvrière.

Leur particularité réside essentiellement dans le fait que la distribution des appartements se fait non par une cage d’escalier mais par une coursive, sorte de long couloir extérieur situé au nord du bâtiment et sur lequel donnent les entrées des logements et les cuisines.

Chacun des immeubles possède soit, une cage d’escalier centrale qui distribue toute la coursive, soit deux cages d’escalier situées aux extrémités de chaque barre.

Ce dispositif oblige de faire des logements relativement petits (2 pièces) sauf dans les têtes où l’on trouve des logements un peu plus grand (3 pièces) et équipés d’un balcon. Sous les fenêtres des cuisines, il y avait une petite grille permettant de ventiler le rangement qui était derrière, c’était en quelque sorte l’ancêtre du frigo.

Les immeubles possèdent un sous-sol surélevé permettant d’aérer les caves. Les appartements du rez-de-chaussée jouissent d’un jardin privatif directement accessible. L’arrière sur lequel donne la coursive était une cour de travail où l’on pouvait étendre le linge déjà lavé dans les buanderies collectives situées au sous-sol et surtout jouer dehors.

Par rapport aux maisons familiales évoquées dans le dernier numéro où toutes les activités se concentraient dans la parcelle elle-même, ici, plusieurs activités sont partagées ; par exemple, le stockage des fenêtres d’hiver à la cave, les buanderies et surtout la coursive qui se veut idéalement une lieu d’échange et de convivialité.

Chantal Crettol-Rouge, qui a passé toute son enfance dans l’une de ces barres nous rappelle, lors d’un entretien que les contacts sociaux n’étaient pas si idylliques que l’on veut bien se l’imaginer ; en effet des « guerres » intervenaient souvent entre les habitants des coursives et les habitants des maisons familiales qui étaient un petit peu moins bien lotis qu’eux. Elle se souvient aussi qu’il y faisait très froid et qu’il fallait monter à pied le charbon jusqu’à son appartement.

La vie des enfants se passait dans les cours arrières là où il y avait les étendages et des « reck » pour taper les tapis, mais aussi pour s’y suspendre et faire le cochon pendu.

Elle se rappelle également que le loyer était de 80.— / par mois... (cela fait presque rêver aujourd’hui).

Chantal Crettol-Rouge a tout d’abord été décoratrice, puis artiste-peintre et enfin animatrice de quartier où elle s’était beaucoup engagée dans le centre Socioculturel. Depuis 2011, elle se consacre essentiellement à la création, à la peinture et au dessin.

Elle n’habite plus dans les immeubles à coursives, mais elle y conserve un galetas où elle stocke ses œuvres.
Image extraite de : Architecture du Canton de Vaud 1920 – 1975,
sous la direction de Bruno Marchand, PPUR


Plan d'un étage type, source idem




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